Une expatriation réussie n’est pas qu’une question de rémunération

Une expatriation réussie n’est pas qu’une question de rémunération

L’expatriation est souvent vue comme une belle opportunité tant sur le plan personnel que professionnel. On la présente souvent comme un accélérateur de carrière.
Le principe : Partir dans la filiale ou la succursale étrangère de son entreprise pour participer à son développement. La ou l’expatrié.e a forcément un petit quelque chose que ses collègues sur place n’ont pas : une expertise forte, une expérience particulière, des connaissances spécifiques…
Dans l’imaginaire collectif il y a un élément qui est indissociable de l’expatriation : la moula !

Faite le test lors de votre prochaine soirée. Parlez d’un expatrié quelconque (il peut s’agir d’une personne fictive, l’expérience marche quand même) et vous verrez très vite les € se dessiner dans les yeux de vos interlocuteurs.


Comment expliquer ce phénomène ?
Et bien il fut un temps où certains expatriés étaient très TRES bien payés pour mettre entre parenthèses leur vie sociale dans leur pays d’origine, mais aussi celles de leur conjoint et de leurs enfants, pour recommencer « from scratch » à l’autre bout du monde.
« From scratch » ? Tout est relatif : les packages de rémunération comprenaient tout un tas d’avantages pour vivre dans un confort certain au point qu’aujourd’hui quand on parle d’expatriation on imagine un quinqua’ en chemise Ralf Lauren qui passe un call au bord de sa piscine au brésil pendant que la cuisinière s’active à préparer le repas du soir (les enfants étant certainement au poney et sa moitié à une réunion de conjoint d’expat’).

Si cela a été le cas pour certains expat’ ce n’est plus qu’un lointain souvenir. Les temps ont changé. On a réduit le nombre d’expatriés, et on est plus modéré dans la construction des packages (plus économique mais aussi plus acceptable socialement dans l’entreprise d’accueil).
Si l’expatriation constitue encore une chance, c’est davantage pour l’expérience humaine et l’opportunité de carrière qu’elle représente. On ne s’expatrie plus pour s’enrichir.
Coté RH l’expatriation est un challenge. Il faut :
⦁ Identifier les bons candidats
⦁ Leur donner envie de tenter l’aventure
⦁ Gérer la partie administrative
⦁ Préparer la fin de l’expatriation
C’est sur ce dernier point que le bât blesse trop souvent. Et pourtant c’est la gestion du retour va faire que toute l’expérience de l’expatriation sera vécue comme décevante par le collaborateur.

Loin des yeux, loin du cœur
Au moment de son départ, l’expatrié est traité comme l’élu. Mais il part. Loin. Dans son pays d’origine on garde un bon souvenir, mais on ne compte plus sur lui.
A la fin d’une expatriation il est courant de se retrouver dans une situation où les envies de l’expatrié ne cadrent plus avec ce que « la gestion » prévoit pour lui. Si elle ou il souhaite rentrer au pays y a-t-il seulement encore un poste pour lui ? Peut-on prendre le risque de refuser ce que l’entreprise nous propose au risque de se mettre des gens à dos ?
Ne pas avoir ce que l’on souhaite est alors vécu comme une injustice. Vient ensuite le lot de frustrations et de déceptions, ce qui conduit au côté obscur de la Force : le désengagement.
Un beau gaspillage d’énergie et de temps en résumé.
C’était déjà vrai à l’époque faste de l’expatriation quand les packages étaient plus importants.


Mais alors c’est quoi le problème ?
La démonstration à travers un film sur le monde de l’entreprise : Gladiator.

Dans ce film on perçoit bien les effets délétères d’une fin d’expatriation ratée.
C’est l’histoire de Maximus Decimus Meridius, commandant en chef des armées du Nord, et général des légions Felix. Il travaille pour le Groupe international Empire Romain dont le PDG de l’époque était l’empereur Marc Aurèle. Maximus est expatrié en Germanie depuis un moment en tant que responsable local du projet de croissance externe par acquisition (hostile) des concurrents locaux. Son expatriation touche à sa fin. Maximus a fait du bon boulot, mais il en a plein les sandales du nord de l’Europe. Il veut rentrer chez lui, prendre un poste plus sédentaire, et reprendre sa vie où il l’avait laissé avant de partir.

Le problème de Maximus, c’est qu’il est très compétent. Trop compétent. Son PDG a besoin de lui pour une nouvelle mission stratégique. Maximus a du mal à dire non, bien que ça lui coûte beaucoup. Mais il se laisse tenter pour plusieurs raisons :
–         Son PDG insiste beaucoup
–         Il s’agit d’une mission courte et non renouvelable
–         Elle aura lieu à Rome (plus besoin de porter de Damart sous sa cuirasse)
–         Son PDG insiste vraiment beaucoup
Sous la pression il accepte.

Changement de stratégie : on rebat les cartes et on redistribue les expatriés
Alors que Maximus se demande comment il va annoncer sa nouvelle nomination à sa femme, un soudain changement de gouvernance a lieu à la tête de l’Empire Romain. L’empereur Commode prend le poste de PDG, revoit toute la stratégie de l’entreprise, et prévoit même de renverser le conseil d’administration (le Sénat Romain). Il propose à Maximus un nouveau nouveau poste, mais celui-ci le refuse. Cette fois il n’a pas peur de vexer le patron. C’est que la nouvelle stratégie, pas plus que le changement de PDG, ne lui convient. Tout va à l’encontre de ce pourquoi il a signé.

L’important c’est les valeurs
Rien ne le console : ni le poste prestigieux, ni le package promis. Il tient tête à son nouveau PDG qui n’apprécie pas beaucoup.

Il en fait un exemple en envoyant Maximus en expatriation pour une durée indéterminée (ce qui va à l’encontre de toutes les politiques RH) dans un placard au sein d’une filiale reculée en Mauritanie. Sa situation est précaire, tout comme ses conditions de travail.


Du sommet à la poussière
Comment en est-on arrivé là ? Comment est ce qu’un Top Talent de l’Empire Romain se retrouve dans cette situation ?
On a mal géré sa fin d’expatriation ! (entre autre …)
Le suivi de carrière et l’adéquation entre les aspirations de l’expatrié et les besoins de l’entreprise doivent faire l’objet d’une discussion ouverte sans imposer quoi que ce soit si on veut préserver l’engagement à long terme du collaborateur.
Dans le cas contraire il se sentira acculé, coincé, et en voudra à l’entreprise. 

Je ne spoilerai pas la fin du film mais je pense que le service mobilité international de l’Empire Romain s’est fait taper sur les doigts à un moment.


Pour conclure …
Comment doit-on gérer les relations humaines dans l’entreprise ?
Avec Force et Honneur.