Le premier contact que l’on a avec une entreprise se fait via le process de recrutement. Et celui-ci est capital pour les deux parties : le candidat et l’employeur.
Côté candidat c’est l’occasion d’avoir un aperçu de la culture de l’entreprise, et de collecter des indices sur la façon dont les salariés sont traités.
Côté recruteur il s’agit de trouver la personne qui détient les compétences dont l’entreprise a besoin pour son fonctionnement et le développement de son business.
Dans les deux cas il y a une prise de risque importante.
Un process de recrutement s’étale sur plusieurs mois, et implique de nombreux acteurs qui investissent du temps. Il suscite aussi beaucoup d’espoir et d’attente de part et d’autre. Un recrutement raté a un coût financier important certes, mais aussi un coût émotionnel qui va peser sur le moral des équipes et sur la marque employeur.
Récemment j’ai revu un de mes films préférés sur le monde de l’entreprise qui illustre très bien ça : Matrix.
Matrix parle de deux entreprises qui se disputent un candidat : Neo aka Monsieur Anderson aka l’élu. Il a trois pseudos. Faut suivre.
C’est un “Talent” comme on dirait aujourd’hui. Tout le monde le veut car il a des compétences rares sur le marché.
La Résistance et la Matrice
Qui sont ces deux sociétés en compétition ?
D’un côté nous avons “La Résistance” qui est une entreprise à mission. De l’autre coté du ring il y a un grand groupe international, la Matrice.
Ce sont deux entreprises diamétralement opposées. De par leur structure, mais aussi de par leur culture. Leurs offres de services sont tellement différentes qu’elles ne peuvent pas coexister sur le marché. Leurs rapports sont donc très agressifs et destructeurs.
La Résistance et la Matrice se disputent un candidat : Neo aka Monsieur Anderson aka l’élu.
Le film fait le focus sur le process de recrutement coté Résistance. Un groupe projet est monté avec pour objectif de convaincre Neo (aka Monsieur Anderson aka l’élu) de les rejoindre.
Pour se démarquer, ils utilisent deux outils puissants :
⦁ Le style (faut dire que le dress code de la Résistance envoie du lourd si on aime le vinyle et le cuir)
⦁ La quête de sens. L’important c’est les valeurs.
SPOILER ALERT : Ca fonctionne ! Neo (aka Monsieur Anderson aka l’élu) signe, et on suit ensuite son onboarding.
Mais alors c’est quoi le problème ?
Le problème c’est que derrière le style et les rayban on est face à un process de recrutement qui est très peu éthique.
Intéressons-nous au patron coté Résistance : Morphéus.
C’est un personnage très charismatique qui est habité par une vision de ce que devrait être le monde, et il utilise tous les moyens à sa disposition pour réaliser cette vision.
Mais c’est que c’est une personnalité problématique. Sa vision est belle, mais la mise en œuvre est très réactionnaire :
⦁ Morphéus ne parle qu’en “punchlines”: Des phrases fortes, définitives, qu’il utilise pour clore le débat.
“Je t’ai promis la vérité, je ne t’ai pas dit que ça serait facile”.
“Il y a une différence entre connaître le chemin et l’emprunter”
“Qu’est-ce que la réalité ?”
(Je comprends pourquoi j’aimais ce film quand j’étais ado, ça fait hyper inspiré)
⦁ Son mode de fonctionnement est très opaque. Il n’y a aucune transparence, sur rien ! Son équipe ne sait jamais ce qu’il a en tête, il ne partage pas ses plans.
Il impose tout, et ça commence très tôt, dès le recrutement justement. Il approche des candidats, leur parle de son projet sans vraiment en parler, leur en met plein la vue avec son look, son charisme, ses punchlines, son mystère.
Il leur demande de faire un choix définitif en appuyant bien sur les valeurs, mais sans être claire ni sur le projet, ni sur les conditions de travail.
Ceux qui choisissent de le rejoindre s’imaginent marchant à ses côtés, en étant plus badass que la plus badass de tes copines. Et au final ils se retrouvent dans un vaisseau crasseux, à mourir de froid avec leurs pulls troués
Et summum du seum : la cantoche. On est loin des menus thématiques Sodexo. La-bas c’est Porridge, porridge, porridge.
Tant va la cruche à l’eau qu’un jour elle se brise
Ce process de recrutement est tellement foireux qu’il a failli couler la Résistance. Un mauvais recrutement ça peut faire mal, mais un très mauvais recrutement ça peut faire très mal.
Morphéus s’est trompé en recrutant un de membres de son équipe : Cypher.
(Cypher. Lucifer. Vous l’avez ?)
Cypher, c’est le traître de l’équipe. Il pense qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur et que sa contribution n’est pas suffisamment rétribuée. Pour améliorer sa condition et mettre du beurre dans son porridge, il fait de l’espionnage industriel au profit de la Matrice. Ça finit assez mal, la moitié de l’équipe décède, lui comprit.
Il mérite clairement d’être disqualifié pour le prix de l’employé ou du collègue de l’année.
Mais je pense que Morphéus a une grande part de responsabilité dans la situation.
Cypher a besoin de reconnaissance. Il le dit lui-même “je veux être quelqu’un d’important”. Il aime le confort (et je ne vais pas le blâmer, je hais le camping) mais il se retrouve coincé sur le vaisseau de la loose, les ongles sales, et il est clairement déprimé (après 2 jours de porridge je serai à peu près dans le même état).
Il admet volontiers que s’il avait su ce que serait sa vie en rejoignant l’équipe il aurait décliné l’offre. Alors comment peut-on s’étonner du dénouement ?
A mes yeux, le traître est autant à blâmer que la gestion des ressources humaines au sein de la Résistance.
Ce que j’en retiens
Principalement deux choses :
⦁ Morphéus est la caricature d’un patron de start-up qui se veut hypermoderne et disruptif, mais qui en fait adopte des modes de fonctionnement très opaque, très “old school”.
⦁ Le process de recrutement doit permettre à un candidat de se projeter dans l’entreprise. De jauger si leurs valeurs sont en résonance, et s’il adhère à la culture d’entreprise. Les valeurs c’est bien, mais un peu de transparence ça ne mange pas de pain.
Alors, vous avez toujours envie de suivre le lapin blanc ?