Individualisation de la rémunération : un truc du futur ?

Individualisation de la rémunération : un truc du futur ?

Usbek & Rica m’a proposé ce scénario d’un futur proche possible :
Dans un monde du travail toujours plus éclectique et hybride où se croisent salariés, freelances, télétravailleurs et autres intérimaires, l’ultra-personnalisation de la paie pourrait s’imposer dans les années à venir comme un argument de taille pour l’attraction et la rétention des talents. « De la même façon que les travailleurs mettent à disposition leurs talents et leurs contributions à la demande, ils s’attendent à une paie à la demande », diagnostique le Global Payroll Management Institute. Les salariés, eux, voient leur marge de manœuvre s’élargir… jusqu’au montant de leur rémunération lui-même. C’est ainsi, par exemple, que la start-up Fasterize, adepte du modèle de « l’entreprise libérée », invite chacun de ses employés à s’auto-évaluer et à écrire une lettre justifiant d’une demande d’augmentation avant de se confronter à ses pairs, qui peuvent alors l’accepter ou la challenger.
Cette liberté ne s’arrête pas au salaire stricto sensu. Les avantages salariaux sont aussi concernés : de nouveaux services, à l’image de la start-up May, se sont développés afin de mieux les décloisonner et permettre aux individus de piocher à leur guise parmi les tickets resto, les voyages et autres places de spectacle, dans la limite d’une enveloppe annuelle. Une évolution particulièrement bienvenue pour les télétravailleurs, dont les frais de déplacement et même de déménagement (comme le propose le cabinet de conseil BearingPoint, par exemple), ainsi que les dépenses liées au travail à la maison ou en tiers-lieu, sont progressivement inclus dans ce type de dispositifs. Même son de cloche du côté des mutuelles et des divers frais de santé : prise en charge de la santé mentale (par des start-up comme Moka.Care), mais aussi mutuelle pour son animal de compagnie et remboursement des traitements médicaux de l’infertilité pourraient se banaliser à l’avenir, prévoit le média Fast Company.
Aux États-Unis, la jeune pousse Blueboard dépoussière les cartes-cadeaux et autres avantages salariaux traditionnels au profit de véritables « expériences personnalisées », gage d’une meilleure « reconnaissance » des salariés. Kitesurf, atelier de construction de serres, nage avec les requins… De quoi satisfaire n’importe quel employé de manière mémorable, promet-elle. 
L’idée était de voir ce que cela m’inspirait.

Faut-il toujours attendre la solution magique ?
« On veut des idées innovantes pour faire la différence, attirer et retenir les talents »
Innover c’est bien. Mais ça demande un petit investissement en temps qui n’est pas négociable si on veut vraiment faire la différence.
On me dit souvent qu’en France on ne peut pas individualiser les avantages sociaux pour des raisons légales. On ne peut pas individualiser les compteurs de congés payés ni les plans santés (mutuelle et prévoyance). Oui les contraintes légales nous empêchent de mettre en place des plans « Cafétaria » où chacun choisi ce qui lui plaît : davantage de congés payés, une meilleure pension de retraite, une belle voiture de fonction … Mais je pense que les plus gros freins sont ailleurs.

Avantages sociaux : de quoi parle-t-on ?
Tout d’abord qui sait ce que sont les avantages sociaux, ce qu’ils coûtent, ce qui est légal et ce qui dépend de la générosité de son employeur ?
Les entreprises ne communiquent pas assez là-dessus. Prenons l’exemple de la mutuelle : L’employeur en fournit une et c’est bien normal, c’est la loi. Mais toutes les couvertures mutuelles ne se valent pas. On réalise que l’on a une bonne mutuelle (ou non) quand on en a vraiment besoin. Avant cela personne ne sait vraiment si cet avantage social est si avantageux que ça, et personne ne va challenger son employeur à ce sujet. Je croise beaucoup de start-up qui prennent en charge les cotisations mutuelles à 100% sans être très clair à ce sujet. Et pourtant elles gagneraient à être plus spécifiques « Cher Théo, en plus de ton salaire de xx k€ sache que nous prenons en charge TOUTES tes cotisations mutuelles ce qui représente pour toi une économie de y k€ par an. C’est pour nous, ça nous fait plaisir ! ».

Donc à mon avis commençons par être au clair sur ce que l’on fait déjà et ce que ça représente en euro sonnant et trébuchant.


Attention au panurgisme !
Autre frein à l’individualisation des avantages sociaux : copier-coller ce qui fonctionne chez les autres. Je pense que le choix des avantages sociaux que l’on propose passe avant toute chose par la définition de sa politique de rémunération : Quelle est la culture de l’entreprise ? Où va-t-on à court/moyen terme ? De qui a-t-on besoin ? Comment attirer et retenir les bonnes personnes?
Définir sa politique de rémunération doit permettre de choisir les éléments de rémunération, et donc les avantages sociaux, qui correspondent à l’entreprise, à ses équipes, et à son budget. On ne choisit pas un avantage social parce que « il y a beaucoup de Licornes qui l’utilisent ». Le risque est d’investir dans un produit coûteux qui n’intéresse personne. Vu sur le terrain : une entreprise de 300 personnes qui a souscrit à un outil bien être finalement utilisé par … 5 personnes dans toute la société.

L’outil en question est bien connu sur le marché, a de bons retours, mais ne correspond pas à tout le monde. Un gros budget de gâché.


Etre à l’écoute des tendances et des équipes.
Un peu d’écoute active ne fait pas de mal. Autrement dit écouter sans jugement. Exemple : On parle beaucoup de santé financière, du nombre de français qui sont à découvert au milieu du mois, mais combien d’entreprises ont mis en place un outil simple pour gérer les demandes d’acompte ? Un process simple qui évite la gêne pour la personne qui fait la demande ?
« Je ne suis pas une banque » me disait un directeur financier. Non Michel tu n’es pas une banque. Et on ne parle pas non plus de ton argent. Cette situation te met mal à l’aise ? Pense à la personne qui initie la demande. Pense aussi à l’expérience collaborateur et à quel point elle joue dans la rétention des équipes.

De la flexibilité !
Dernier frein majeur : être capable de faire évoluer son offre dans le temps. Imaginons une entreprise qui propose une enveloppe individuelle que chacun alloue aux avantages sociaux qui l’intéressent le plus. Si Adèle a choisi de maximiser son budget sport en 2022, elle aura peut-être d’autre besoin en 2023. Le challenge est d’avoir une offre qui accompagne ces évolutions et de donner la possibilité à chacun et chacune de pouvoir changer facilement d’avantage.
« La RH a déjà beaucoup de boulot coté administration du personnel, on ne peut pas se lancer la dedans ». Oui , mais la RH peut se faire aider. Il y a de plus en plus de Start up qui proposent des outils pratiquent dans ce domaine. Ca vaut le coup de jeter un yeux ou deux sur les innovations de ce domaine.
En résumé l’individualisation des salaires n’est ni « un truc du futur » ni « une galère administrative ».

On peut se lancer dès à présent mais pour ça il faut d’abord :
–         Avoir une offre d’avantages sociaux cohérente avec la politique de rémunération et la culture de l’entreprise
–         Communiquer sur le gain en pouvoir d’achat que cela procure,
–         Être à l’écoute des besoins des équipes et être capable de faire évoluer l’offre facilement,
–         S’intéresser aux innovations sur le marché
Car comme j’aime à le dire la rémunération n’est pas qu’une question d’argent.